La gestion de carrière : commencer par le commencement

Choisir une profession est une décision cruciale et la création musicale est un domaine immense. Mais peu importe qu’un futur créateur de musique veuille écrire ou produire des chansons, composer des trames sonores pour le cinéma, la télé ou les jeux vidéo, ou composer de la musique destinée à être jouée sur scène, il doit comprendre comment s’engager avec succès sur le chemin de cette carrière et d’y rester avant de faire ses premiers pas.

Par où commencer?

Voici quelques-uns des éléments les plus importants dont un créateur de musique doit être conscient et les gestes importants à poser lorsqu’il entreprend sa carrière.

Apprendre les bases de la petite entreprise

Quand un créateur de musique décide de générer des revenus à l’aide de sa musique, il devient un entrepreneur. Il peut d’ores et déjà être très bénéfique de retenir les services d’un comptable abordable qui pourra l’aider à identifier les moyens à sa portée pour économiser de l’argent. Cependant, si un créateur ne peut tout simplement pas se permettre d’embaucher un comptable ou un gérant jusqu’à ce qu’il connaisse un certain succès financier, il devra assumer ce rôle lui-même pendant un certain temps. Pour cette raison, une connaissance des bases de la petite entreprise est vitale, notamment comment lire un bilan financier, comment remplir une déclaration d’impôt sur le revenu, quand et comment percevoir et remettre la taxe de vente, etc. 

Cependant, il est également important de savoir quand demander de l’aide et minimiser ses pertes. Par exemple, quand un créateur en début de carrière se fait offrir un contrat qu’il ne comprend pas totalement, il pourrait se retrouver avec plus d’argent dans sa poche en déboursant un petit montant afin d’embaucher un expert juridique qui lui explique le contrat que s’il avait essayé de le déchiffrer lui-même.

Comprendre les droits et les redevances

Même si les créateurs de musique émergents peuvent être tentés d’accepter d’importants paiements initiaux en échange d’une partie ou de la totalité des droits d’auteur et/ou des droits connexes sur leurs œuvres, ils doivent comprendre que les redevances – en particulier les redevances d’exécution – sont ce qui constituera finalement la base de leurs revenus

Ces revenus permettront au créateur d’affronter les futures tempêtes financières, et l’aideront à louer un appartement, une voiture, à acheter une maison, etc. Il faudra probablement des années pour que ce « revenu passif » devienne substantiel, mais il vaut souvent la peine de sacrifier un peu d’argent maintenant afin d’en garantir beaucoup plus tard. Si les créateurs de musique rejettent en bloc les pratiques commerciales abusives et défendent leurs droits, la rémunération équitable peut devenir une réalité pour chacun d’entre eux.

Cependant, pour toucher ces redevances d’exécution, les créateurs doivent devenir membres d’une organisation de droits d’exécution (ODE) – au Canada, il s’agit de la SOCAN –, et pour percevoir les autres types de redevances, ils doivent souvent s’affilier à d’autres sociétés collectives. Il est également crucial d’apprendre à lire un relevé de redevances : cela permet au créateur de confirmer qu’il reçoit bel et bien ce qui lui est dû.

Connaître son domaine

L’industrie de la création musicale est très compétitive, c’est pourquoi, pour tous les créateurs, la maîtrise de l’art musical est une exigence professionnelle de base. Mais créer de la musique pour un domaine spécifique exige également une grande connaissance spécifique de ce domaine, notamment à quoi la musique servira, le degré de liberté artistique dont dispose le créateur, les services autres que la création qui peuvent lui être demandés, etc. Les créateurs émergents doivent identifier leurs lacunes afin de pouvoir les combler, par exemple, les compositeurs de musique sérieuse doivent être capables d’orchestrer pour des ensembles particuliers, les compositeurs à l’écran doivent comprendre comment « composer à l’image » et les auteurs-compositeurs doivent savoir comment créer des démos de haute qualité. 

Heureusement, il existe de nombreuses ressources gratuites à la disposition de tous ceux qui souhaitent en savoir plus sur l’écriture de musique pour un domaine particulier. Il s’agit notamment des sites Web des associations professionnelles et des sociétés collectives pertinentes, des blogues de l’industrie et des vidéos YouTube.

Être émotionnellement prêt

Tous les travailleurs autonomes savent qu’il est possible qu’ils traversent des hauts et des bas financiers (« choux gras ou vaches maigres ») jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de gagner un revenu fiable, mais ils ne savent pas tous que les hauts et les bas émotionnels font également partie du métier.

Comme il peut parfois prendre des années et des années de travail acharné pour arriver à gagner leur vie grâce à leur musique, il est tout à fait normal qu’ils connaissent des périodes de doute, qu’ils s’inquiètent de la façon dont ils vont joindre les deux bouts et qu’ils se demandent s’ils ont choisi la bonne voie professionnelle. 

Même si ces émotions sont difficilement évitables, être préparé à les vivre et comprendre qu’elles sont normales peut aider à les rendre plus tolérables. Au fil du temps, à mesure que chaque créateur construit l’ensemble de son œuvre et en tire de plus en plus de revenus, il est en droit d’espérer que sa confiance grandira proportionnellement, que ses doutes s’atténueront et qu’il sera très heureux de ne pas avoir jeté l’éponge quand il était tenté de le faire.

Notez cependant que si un créateur traverse une crise grave liée à sa santé mentale et/ou émotionnelle, il existe des organisations comme Unison et l’AFC qui sont là pour fournir du counselling d’urgence gratuit et une aide financière.

Réseauter sans relâche

Les connexions sont la clé. En début de carrière, les créateurs devraient prioritairement se tourner vers leurs réseaux existants pour apprendre les ficelles du métier dans le cadre d’un mentorat informel auprès de professionnels du secteur qu’ils connaissent peut-être déjà, entrer en contact avec d’anciens camarades de classe qui ont entamé leurs carrières ou parler à leur famille, leurs amis et leurs connaissances qui ont peut-être des connexions intéressantes eux aussi. Les nouvelles opportunités peuvent surgir là où on s’y attendrait le moins.  

Il n’y a aucun mal à communiquer – poliment et respectueusement – avec des créateurs établis pour leur demander s’ils accepteraient de partager leurs expériences et conseils. Vous pouvez leur proposer de prendre un café, de discuter sur Zoom ou même de simplement les observer discrètement au travail pendant quelques heures. De telles interactions pourraient déboucher sur autre chose, incluant des rencontres avec d’autres créateurs, un réseau élargi et même du travail. Il peut être bénéfique pour les créateurs de se constituer un réseau avec des personnes de leur niveau, mais exerçant des professions parallèles comme des cinéastes, des auteurs-compositeurs et des artistes du disque, etc. À mesure que leurs carrières respectives progressent, ils pourront collaborer et se recommander mutuellement pour divers projets. 

D’entrée de jeu, ce qu’un créateur devrait éviter de faire est de solliciter des gérants, des agents et/ou des éditeurs de musique. Ces professionnels pourraient devenir des membres précieux de l’équipe du créateur à terme, ils exigeront probablement des preuves de réussite professionnelle avant d’envisager un partenariat. Autrement dit, ce sont eux qui chercheront presque toujours à recruter un créateur le moment venu, et non l’inverse.

Profiter des programmes offerts

Pour aider les créateurs en début de carrière à s’orienter dans l’industrie, à élargir leurs réseaux, à développer leurs compétences et à pratiquer leur art, un certain nombre d’organisations proposent des programmes de développement professionnel, généralement gratuits ou en tant qu’avantage pour leurs membres.

Les associations professionnelles de créateurs – notamment l’Association des auteurs-compositeurs canadiens (SAC), la Guilde des compositeurs canadiens de musique à l’image (SCGC), la Ligue canadienne des compositeurs (LCC), le Centre de musique canadienne (CMC) et la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) – offrent régulièrement des ateliers, des conférences/webinaires et des événements de réseautage à leurs membres. Certaines proposent également des programmes de mentorat dans le cadre desquels des créateurs émergents sont jumelés à des créateurs établis dans divers contextes, mais les membres doivent généralement postuler pour y participer, car les places sont souvent limitées. 

Même si leurs membres sont des éditeurs de musique, Music Publishers Canada et l’Association des professionnels de l’édition musicale (APEM) offrent également des opportunités d’apprentissage et de mentorat aux créateurs. Ils organisent également des camps de création qui réunissent des créateurs afin qu’ils collaborent à la création de chansons qu’ils peuvent ensuite proposer à des interprètes et des maisons de disques. Toutes les associations provinciales et territoriales de l’industrie de la musique (p. ex., Alberta Music, Music Yukon, Music Nova Scotia, etc.) offrent des camps de création et des ateliers de composition semblables, tout comme les sociétés collectives, dont la SOCAN, ASCAP, BMI, et SESAC.

D’autre part, la Fondation SOCAN soutient les créateurs en début de carrière par le biais de programmes qui cultivent les compétences en affaires musicales (incubateur de créativité entrepreneuriale TD) et fournissent un mentorat pour les compositeurs de concert (Programme de mentorat des compositeurs émergents) et les compositeurs à l’écran (Laboratoire de musique à l’image pour compositeurs émergents).

Pour les créateurs qui ont déjà réalisé du travail de composition à l’image, certaines organisations culturelles centrées sur le cinéma – notamment le Canadian Film Centre, le Sundance Institute et Berlinale Talents – proposent également des programmes hautement concurrentiels et immersifs.

Consultez le site Web de chacune de ces organisations afin de prendre connaissance des plus récentes informations concernant leurs programmes respectifs.

Découvrez les organisations qui défendent les intérêts des créateurs de musique canadiens sous-représentés et les programmes qu’elles proposent.

Jeter les bases de votre propre succès

Toutes les compétences musicales, les connaissances et le talent du monde ne serviront à rien à un créateur s’il ne dispose pas des outils tangibles dont il a besoin pour faire son travail. Autrement dit, avant de faire quoi que ce soit d’autre, un créateur doit avoir tout le matériel nécessaire pour faire de la musique.

La nature exacte de tout ce matériel est, en majeure partie, une question de goûts personnels : est-ce qu’il préfère un ordinateur de bureau ou un portable, est-ce qu’il préfère des casques d’écoute ou des moniteurs, etc. Au final, si un créateur peut créer un démo de qualité professionnelle, il a tout ce qu’il faut pour faire un bon bout de chemin. Quand un logiciel en particulier est simplement hors de prix, il existe souvent des alternatives gratuites de grande qualité à code source ouvert. 

Heureusement, s’équiper adéquatement est beaucoup moins dispendieux qu’avant ; un créateur peut partir de zéro et s’équiper d’un studio entièrement fonctionnel pour quelques milliers de dollars seulement. Il ne doit cependant pas oublier de prévoir un budget d’autopromotion, incluant des portraits de qualité professionnelle, un site Web de base, une plateforme d’hébergement de ses démos comme ReelCrafter, par exemple, et même des services de rédaction pour sa biographie.

Apprenez-en plus sur les considérations et opportunités financières en début de carrière.

Survol rapide des choses à faire et à éviter


Ne vous lancez pas à l’aveuglette sans avoir fait vos devoirs.
Apprenez-en le plus possible au sujet de l’industrie et du domaine dans lequel vous souhaitez travailler.

N’attendez pas que les choses vous tombent tout cuit dans le bec.
Allez au-devant des choses : Réseautez. Participez à des événements et conférences. Faites du bénévolat pour les associations professionnelles. Soumettez votre candidature pour des programmes, prix et subventions. Et créez de la musique!

Ne vous présentez pas de manière impolie ou présomptueuse et non sollicitée.

Faites preuve d’empathie et de respect à l’égard de vos contacts potentiels, tant pour leur position que pour leur temps et, mieux encore, essayez d’identifier une connaissance mutuelle qui peut vous recommander chaleureusement.

Ne présumez pas que qui que ce soit aura le moindre intérêt pour votre musique simplement parce qu’elle est bonne.
N’hésitez pas à expliquer aux gens pourquoi votre musique est importante. Quelle est l’histoire qui la rend intéressante? Quel problème votre musique peut-elle régler pour eux?

Ne gonflez pas votre égo et ne vous mettez pas sur un piédestal.
Faites toujours preuve d’humilité. Si vous n’avez pas le pedigree que vous prétendez avoir, vous aurez l’air prétentieux.

Ne soyez pas obsédé par les commandes individuelles et leurs cachets.
Concentrez votre énergie à cultiver des relations – avec d’autres créateurs et acteurs du secteur. Lorsque vous prenez le temps – et il faudra du temps – de tisser des liens authentiques avec les autres afin de leur prouver qui vous êtes et ce dont vous êtes capable, le travail et les revenus suivront.

Ne présumez pas que les connaissances techniques sont toujours la bonne solution.
Comprenez bien le fait que dans la vraie vie, il y a des zones grises et choisissez vos batailles.

Ne cantonnez pas votre créativité uniquement au monde de la musique.
Appliquez-la à toutes les facettes de votre carrière, incluant votre mise en marché, votre réseautage, vos négociations, et ainsi de suite : c’est comme ça que vous vous démarquerez du lot.

Ne présumez pas que votre carrière suivra nécessairement une progression idéale.

Donnez-vous des buts, planifiez comment vous pouvez progresser et ajustez le tir quand c’est nécessaire.

Apprenez-en plus sur l’« Argent et le sens des affaires » ; les considérations et opportunités financières en début de carrière >

Restez au courant

* Requis